Heureux comme une majotité en Israel
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Heureux comme une majotité en Israel
Il y a comme ça des petits signes qui ne trompent pas. Nous sommes bien en Israël, l’Etat juif. Durant l’année qui a précédé notre départ, nous avons pu réfléchir un peu au caractère philosophique de notre démarche. Depuis deux mois que nous sommes dans le pays, nous n’avons pas vraiment eu le temps de penser. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire précédemment, en Israël, les philosophes vendent des saucisses de Francfort (ou de Heidelberg lorsqu’ils sont universitaires). Cela ne signifie pas que les philosophes sont mis au placard. Simplement, ici, la philosophie, c’est la vie quotidienne. En Israël, on agit d’abord, on réfléchit après.
Autant l’avouer, donc, nous avons peu réfléchi. Nous allons pouvoir nous rattraper durant les trois semaines de fêtes qui commencent par Roch Hachana, le Nouvel an, et changent la vie du pays. Et là, nous réalisons vraiment à quel point la nôtre a changé. En France, à l’approche de Roch Hachana, un Juif doit expliquer à son entourage qu’il va devoir s’isoler de la vie courante durant quarante-huit heures. “Ah oui, le Nouvel an ? Eh bien, passez un bon réveillon hein, et revenez nous en pleine forme.” Il lui faut préciser qu’il ne s’agit pas vraiment d’un réveillon, mais d’une comparution devant le tribunal céleste qui doit rendre son jugement. Au pire, on ne le croira pas, au mieux on lui dira : “Comme c’est intéressant… il faut vraiment de tout pour faire un monde.” Le jour même de cette fête très solennelle, dans la rue, il a l’impression d’être un extra-terrestre. Ses voisins voient bien qu’il ne part pas au travail, mais ils voient aussi qu’il n’est pas en train de festoyer avec des cotillons. C’est ce qu’on appelle appartenir à une minorité. En général, on vous laisse faire ce que vous voulez, en général, mais vous êtes quand même un peu à la marge.
En Israël, la minorité est devenue majorité. Les grandes fêtes et leurs préparatifs font partie intégrante de toute la vie quotidienne, politique, sociale, scolaire1. Du nouveau gouvernement que la future Premier ministre a promis de désigner “après la fête”, à l’affluence dans les magasins qui promettent les meilleures affaires “avant les fêtes”, il n’y a pas un domaine qui ne soit pas influencé par ce changement de rythme. Cela peut sembler banal, mais je vous promets que, en tant qu’ancien Juif de diaspora, ce n’est pas anodin. C’est, entre autres signes, à cette fébrilité collective que l’on mesure le passage du statut de minorité souvent obligée de se justifier (et ayant dû le faire avec plus ou moins de coercition durant deux mille ans), à celui de majorité qui n’a plus de comptes à rendre. Résultat, les nouveaux Israéliens comme nous ont une propension très forte à aimer gratuitement tout leur entourage. Ce jeune homme qui me précède à l’entrée de la banque m’a clairement lâché la porte sur la figure ? Je l’aime malgré tout, simplement parce que, comme moi, dans trois jours, il trempera un quartier de pomme dans du miel pour que l’année soit douce et bonne. Pour la énième fois, notre voisine gare sa voiture juste devant notre porte d’entrée ? Je l’aime aussi, parce qu’elle entendra le même son du chofar2 que moi. C’est l’un des miracles de ce pays : nous sommes chez nous et nos fondamentaux sont les mêmes que ceux d’une grande partie des habitants.
Cela me rappelle une anecdote qui date d’avant – de l’époque où j’appartenais à une minorité. Il y a quelques années, un rabbin installé dans une ville de France a tenu, pour Roch Hachana à réconforter les malades juifs hospitalisés en psychiatrie en sonnant le chofar pour eux. Le voilà donc sur place, talith3 sur les épaules et chofar sous le bras. A l’entrée de l’hôpital, on lui demande ce qu’il désire. “Je viens sonner de la corne de bélier aux malades à l’occasion du Nouvel an”, répond-il. Plusieurs interventions ont été nécessaires pour libérer le rabbin. Comme quoi ce qui est folie d’un côté de la Méditerranée peut être la norme de l’autre.
Ainsi, c’est la date de Roch Hachanah (qui, dans le calendrier civil, varie chaque année même si elle tombe toujours en septembre) qui détermine celle de la rentrée universitaire, des vacances scolaires… ↑
Corne de bélier de laquelle on sort un son pénétrant le jour de Roch Hachana, pour faire prendre conscience du fait qu’il s’agit du jour du jugement. ↑
Le talith est le châle de prière (blanc orné de bandes généralement plus sombres) que portent les hommes pour prier.
Autant l’avouer, donc, nous avons peu réfléchi. Nous allons pouvoir nous rattraper durant les trois semaines de fêtes qui commencent par Roch Hachana, le Nouvel an, et changent la vie du pays. Et là, nous réalisons vraiment à quel point la nôtre a changé. En France, à l’approche de Roch Hachana, un Juif doit expliquer à son entourage qu’il va devoir s’isoler de la vie courante durant quarante-huit heures. “Ah oui, le Nouvel an ? Eh bien, passez un bon réveillon hein, et revenez nous en pleine forme.” Il lui faut préciser qu’il ne s’agit pas vraiment d’un réveillon, mais d’une comparution devant le tribunal céleste qui doit rendre son jugement. Au pire, on ne le croira pas, au mieux on lui dira : “Comme c’est intéressant… il faut vraiment de tout pour faire un monde.” Le jour même de cette fête très solennelle, dans la rue, il a l’impression d’être un extra-terrestre. Ses voisins voient bien qu’il ne part pas au travail, mais ils voient aussi qu’il n’est pas en train de festoyer avec des cotillons. C’est ce qu’on appelle appartenir à une minorité. En général, on vous laisse faire ce que vous voulez, en général, mais vous êtes quand même un peu à la marge.
En Israël, la minorité est devenue majorité. Les grandes fêtes et leurs préparatifs font partie intégrante de toute la vie quotidienne, politique, sociale, scolaire1. Du nouveau gouvernement que la future Premier ministre a promis de désigner “après la fête”, à l’affluence dans les magasins qui promettent les meilleures affaires “avant les fêtes”, il n’y a pas un domaine qui ne soit pas influencé par ce changement de rythme. Cela peut sembler banal, mais je vous promets que, en tant qu’ancien Juif de diaspora, ce n’est pas anodin. C’est, entre autres signes, à cette fébrilité collective que l’on mesure le passage du statut de minorité souvent obligée de se justifier (et ayant dû le faire avec plus ou moins de coercition durant deux mille ans), à celui de majorité qui n’a plus de comptes à rendre. Résultat, les nouveaux Israéliens comme nous ont une propension très forte à aimer gratuitement tout leur entourage. Ce jeune homme qui me précède à l’entrée de la banque m’a clairement lâché la porte sur la figure ? Je l’aime malgré tout, simplement parce que, comme moi, dans trois jours, il trempera un quartier de pomme dans du miel pour que l’année soit douce et bonne. Pour la énième fois, notre voisine gare sa voiture juste devant notre porte d’entrée ? Je l’aime aussi, parce qu’elle entendra le même son du chofar2 que moi. C’est l’un des miracles de ce pays : nous sommes chez nous et nos fondamentaux sont les mêmes que ceux d’une grande partie des habitants.
Cela me rappelle une anecdote qui date d’avant – de l’époque où j’appartenais à une minorité. Il y a quelques années, un rabbin installé dans une ville de France a tenu, pour Roch Hachana à réconforter les malades juifs hospitalisés en psychiatrie en sonnant le chofar pour eux. Le voilà donc sur place, talith3 sur les épaules et chofar sous le bras. A l’entrée de l’hôpital, on lui demande ce qu’il désire. “Je viens sonner de la corne de bélier aux malades à l’occasion du Nouvel an”, répond-il. Plusieurs interventions ont été nécessaires pour libérer le rabbin. Comme quoi ce qui est folie d’un côté de la Méditerranée peut être la norme de l’autre.
Ainsi, c’est la date de Roch Hachanah (qui, dans le calendrier civil, varie chaque année même si elle tombe toujours en septembre) qui détermine celle de la rentrée universitaire, des vacances scolaires… ↑
Corne de bélier de laquelle on sort un son pénétrant le jour de Roch Hachana, pour faire prendre conscience du fait qu’il s’agit du jour du jugement. ↑
Le talith est le châle de prière (blanc orné de bandes généralement plus sombres) que portent les hommes pour prier.
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